C'est là, contre ton corps,
Que je me sens le plus mort.

La pluie coule sur mes joues. Mes larmes passent inaperçues. Mon père, ma sœur, mon frère, tous à tour de rôle viennent me proposer de partager leur parapluie. Et tous se heurtent à un non catégorique. Je ne veux voir personne, je ne veux pas qu'on me touche, j'ai seulement envie de vomir. J'ai terriblement mal, j'essaie de le dissimuler, ce mal ambiant, un sourire mélancolique au coin des lèvres, de la tristesse plein les yeux … je suis bonne comédienne. J'enterre ma mère aujourd'hui. On dit que c'est normal d'enterrer ses parents. Je ne trouve pas. Je passe ma main sur mes joues, séchées par le sel des quelques larmes que j'ai pu verser. Les personnes autour de moi sont toutes habillées en noir, qu'est-ce qu'elle peut être conne cette coutume, comme si un enterrement n'était pas déjà assez morbide.

Ils me regardent, certains par curiosité, d'autre par pitié. Sûrement attendent-ils que, comme le reste de ma famille, je vienne chercher leurs condoléances, leurs jolies petites phrases toutes faites, celles qu'on entend à la télé, leurs preuves de compassion … Seulement je n'en ai strictement aucune envie. Je n'ai pas besoin d'aller pleurer au creux d'une épaule et qu'on me tape gentiment le dos. Ils me dégoutent. Ces rapaces, ces vautours. Je sais pertinemment qu'ils ne pensent pas à mal, mais je ne peux plus les supporter, des personnes qui même pour certaines, versent quelques larmes alors que je ne les ai jamais vues. Elles sont ridicules. Je ne sais plus depuis combien de temps je suis ici. Depuis combien de temps je regarde un cercueil vide de sens. Depuis combien de temps je critique les gens qui sont ici. Je ne sais, je ne sais plus. Je m'en fous. Un pied devant l'autre, il faut que je m'en aille.

Boys don't cry.

Elle ondule ses hanches justement ciselées au rythme de la chanson. Elle aime danser sur les Cure, c'est indéniable. Boys don't cry. Un regard perçant est posé sur son dos, elle le sent, similaire à une chaude réminiscence. Elle se retourne, fait face au jeune homme désirable. Lentement, elle se met à caresser sa peau claire, qui s'unit avec la sienne. Le désir monte. Doucement mais sûrement. Elle sent un souffle sur son coup fragile. Le déclic. Elle plaque son compagnon au fond de sa chaise, emprisonne ses lèvres grâce aux siennes tout en lançant sa langue dans une danse endiablée. De ses doigts fins, elle dessine le torse de son partenaire. Une rencontre dans un bar et déjà elle le possède, sans même connaître son nom. De l'amour charnelle. Du pur. Du dur.

Vous pouvez embrasser la mariée.

Il me regarde, je le dévore des yeux. Ca fait quoi ? Deux jours ! Oui, deux jours que l'on se connait, et on se marie. Las Vegas, la ville de tous les défis, la ville où tout est permis. Je pourrais bien faire une connerie à l'instant précis, surtout que je n'ai plus tout à fait les idées claires étant donné les verres d'alcool que j'ai derrière mois, pourtant j'ai l'entière certitude que non. Je ne peux pas l'expliquer. C'est comme ça. Je ne croyais pas aux coups de foudre jusqu'à avant hier. Maintenant j'y crois. Je crois même que je suis amoureuse de lui. Si ma mère m'entendait, si même elle me voyait, elle se retournerait dans sa tombe. En revanche je me fous de ce que pourront penser mon frère, ma sœur ainsi que mon père, parce qu'ils sont encore là, et que ce qui pourrait me bloquer serait seulement de salir la mémoire d'une morte, ma mère. Enfin je sais bien de qui je tiens mon caractère, et qu'à mon âge elle n'aurait pas fait mieux. On se rassure comme on peut.

Merde. Ils me regardent tous les deux. Le prêtre, pasteur, ou je ne sais pas ce qu'on dit pour ces gars là, -car contrairement aux américaines de bases, je n'ai jamais été croyante- il me regarde et mon futur époux aussi. Ca me donne la chaire de poule de me dire ça. Mon futur époux. Carrément flippant ! Comment faire ? La question fatidique a due être posée, je ne vois que ça pour expliquer leur perplexité, leur angoisse. Je hausse un sourcil, affiche un grand sourire et lance maladroitement un « Oui, je le veux », avec la peur de me ridiculiser si on ne m'avait encore rien demandé. Hallelujah, c'était bien cela qu'ils attendaient. Je trébuche tandis que le pasteur pose la question qu'il venait de m'adresser à Maximilien. Je ne tiens presque plus debout. Et dire qu'il y a quelques minutes je pensais encore avoir les idées claires. Il est beau Maximilien quand même. Il sourit, il me regarde. Irrésistible. Son accent français lorsqu'il pronnonce le « je le veux » me fait tanguer. Pourvu que le pasteur se dépêche de l'autoriser à déposer un baiser sur mes lèvres qui n'attendent plus que ça ! « … vous pouvez embrasser la mariée. » C'est à moi de sourire cette fois-ci. « Vite, ou je vais te violer. »