Cette lueur, ce va et vient perpétuel, des gens qui courent, qui courent dans tous les sens, les uns vont, les autres viennent, pressés, essoufflés, portant de gros sacs ou tirant de lourdes valises, s’impatientant devant le feu rouge, poussant des soupirs devant un taxi passé devant eux sans s’arrêter, rageant quand le bus leur passe sous le nez. La vie, la vie à un rythme accéléré, de jour comme de nuit, avec ces enfants qui pleurent, fatigués de cette course folle, ces adultes épuisés, stressés, pressés, ces taxis qui ne cessent de prendre des clients avec leurs innombrables bagages. Toute cette activité, Jules la regardait depuis sa fenêtre, observant avec une certaine curiosité les voyageurs de Paris. Et tous les jours, la même histoire recommençait, les trains de la gare de Lyon se remplissaient et se vidaient, et on entendait les coups de sifflet, les moteurs qui grondaient dans un bruit sourd devenu partie intégrante du décor. De nouveaux visages se présentaient chaque jour en bas de son immeuble, Français se prenant quelques jours de vacances ou étrangers venant visiter cette magnifique capitale, Paris.

Paris. Capitale du romantisme, capitale de la mode. Ville de tous les possibles, Paris était aux yeux du jeune garçon le carrefour d’une infinité d’opportunités, le lieu de toutes les rencontres et de tous les imprévus. Il aimait Paris, Paris et ses longues avenues, les champs Elysées qui remontaient jusqu’à l’arc de triomphe, le Trocadéro avec ses fontaines sculptées, la tour Eiffel, si belle, si majestueuse et imposante, cette dame de fer qui ne devait être qu’une attraction provisoire et qui était devenue l’un des symboles de la France, et qui scintillait si gracieusement chaque soir, comme une poudre d’étincelles magiques tombant du ciel obscur. Et il y avait aussi le Louvre, avec ses pyramides transparentes pour le moins originales, le jardin du Luxembourg, grand, agréable, sans oublier tous les quartiers spécifiques qui faisaient la diversité de Paris, avec Montmartre, le Marais, la Défense, l’Île Saint Louis, et j’en passe. Oui, Jules aimait cette ville, Paris, et il ne se lassait pas de la parcourir, marchant au hasard, arpentant les rues, errant, sans réel but, pour le simple plaisir de se promener et de profiter d’une belle journée ensoleillée.

Ni vraiment riche ni vraiment pauvre non plus, le jeune homme a toujours dû se débrouiller seul pour obtenir ce qu’il voulait. Il pouvait évidemment compter sur le soutient de ses parents, mais il aimait avoir des responsabilités et se dire que ce qu’il réussissait, c’était uniquement grâce à lui-même. Ainsi donc, il entra au lycée Arago, le meilleur de son arrondissement, où il fit de brillantes études littéraires. Il n’était pas plus studieux qu’un autre, mais il avait un petit quelque chose qu’aucun de ses autres camarades ne pouvait prétendre posséder : la curiosité, et la passion. En effet, Jules n’était jamais rassasié. Il s’intéressait de très près à tout ce qui l’entourait, et sa soif de connaissances lui permit d’acquérir une culture extraordinaire qui fut un véritable atout dans son jeu. Toutes les semaines, il aimait passer une soirée au cinéma ou au théâtre, et n’acceptait jamais les critiques des autres jusqu’à ce qu’il se soit fait lui-même son propre avis sur la question. C’est d’ailleurs de ces sorties hebdomadaires et de ce besoin d’en juger par lui-même que l’idée lui vint de devenir critique pour un journal. C’est donc tout naturellement qu’il postula pour sciences po, une des meilleures écoles de tout Paris. Sans grande surprise, sa candidature fut acceptée, et il en ressortit cinq ans plus tard avec un diplôme et déjà un contrat de travail pour être critique de cinéma.

Et c’est ainsi que commence la véritable histoire de Jules Lechevalier, une histoire mettant en scène un jeune homme talentueux et passionné qui, partant du bas de l’échelle sociale, va mettre tout son cœur à gravir les échelons et à trouver sa place à Paris, ville de promesses et de rêves, capitale d’une vie, capitale d’une histoire.