La voiture roulait trop vite, et l'autre ivrogne gueulait comme pas possible. Qu'est-ce que ça avait le don d'énerver Maddie. Alors qu'est-ce qu'elle faisait avec lui, hein ? Bonne question. Elle avait 16 ans, il allait sur ses 20 ans, et il s'était intéressé à elle à une période de sa vie où elle était légèrement paumée, qu'elle en voulait à sa mère qui se faisait remarquer par son absence constante, et parce qu'elle n'avait rien d'autre à faire que de rencontrer les gens qu'il ne fallait pas.
Il avait trop bu. Comme toujours. Il poussait toujours sur l'alcool. Et après, c'était elle qui en faisait les frais. Plusieurs fois elle avait tenté de le virer de sa vie, mais à chaque fois il se confondait en excuses, prétendait qu'elle était essentielle à sa survie, et elle, comme une conne, elle marchait dans son petit manège.
Il roulait trop vite, et lui gueulait, en gros, d'après ce qu'elle discernait dans ses paroles, de la fermer. Très bien. Elle lui demanda poliment de s'arrêter, elle allait rentrer à pied, qu'il crève si il voulait, mais elle, elle tenait à la vie. Il partit d'un grand éclat de rire et accéléra. « Tu sais quoi Maddie ? Si je dois crever, tu crèves avec moi. » Sur ce, il fonça droit dans un arbre.

Quand elle se réveilla, à l'hôpital, on lui expliqua qu'il s'en était sorti avec trois fois rien, et qu'il était parti. Pour elle, en revanche, c'était pas passé loin. Un important morceau de pare-brise était venu se loger juste en dessous du rein droit, manquant de l'éclater en beauté. Mais elle s'en sortirait, de toute façon. Elle allait juste avoir à se balader avec une cicatrice immonde sur le côté droit pendant tout le reste de son existence.

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Minuit trois, la fête battait son plein. Assise à la table désormais vide, puisque tout le monde dansait, Madeleine fixait son verre à moitié vide, la tête appuyée sur sa paume de main. Elle commençait sérieusement à se faire profondément chier. Les fêtes et elle, ça n'avait jamais été trop son truc. Mais c'est organisé par Mégane Leroy, le genre de fille auxquelles on ne peut décemment pas dire non, et cette ana était allée jusqu'à leur réserver la boîte pour la nuit. Alors elle s'y était rendue, sans même espérer s'amuser, juste parce qu'on était samedi soir, et que le samedi soir, personne n'était supposé rester chez soi.
Elle commençait à chercher des excuses pour rentrer chez elle et avoir à supporter Maggie, mais elle n'eut pas l'occasion de s'adonner à cette activité très longtemps. Yoann vint s'asseoir en face d'elle, avec son sourire charmeur en coin. « Alors Maddie, ça va ? » La jeune femme releva lentement la tête vers lui, sans chercher à cacher son exaspération. « Tiens, Yoann. Qu'est-ce qui a ? T'as pas réussi à tirer un coup ? Grouille-toi, il se fait déjà tard. » Le jeune homme sourit et, aussi subitement qu'il était arrivé, se pencha vers elle et l'embrassa sans complexe. Elle tenta de reculer, mais bon, tout le monde connaissait Yoann, il ne lâchait pas prise aisément. Quand enfin il se décida à décoller ses lèvres de celles de Madeleine, il la fixa de son regard envoûtant qui était censé toutes les faire succomber. « Mais t'es malade du con ? » « Viens. » Il s'empara de sa main et la traîna bon gré mal gré jusqu'aux toilettes - désertes - de la discothèque. Yoann avait toujours été ce genre de mecs. Ceux qui couchaient aussi souvent qu'ils respiraient. Mais Maddie était toujours parvenue à passer à travers les mailles du filet - d'un côté, quand tout le monde vous prend pour une lesbienne, pas étonnant. Mais cette fois, cela tombait sur elle.
Il la colla presque avec violence contre le mur humide des toilettes et aventura ses mains jusqu'au bouton du pantalon de la pauvre demoiselle en détresse. « Arrête Yoann sérieux. PUTAIN ARRÊTE. » Il avait déjà déboutonné son pantalon, et elle sentait la partie perdue d'avance, jusqu'au moment où la porte des toilettes finit par s'ouvrir. « Yoann ? Tu fous qu… Maddie ? » De toute sa vie, Madeleine n'avait jamais été aussi soulagée de voir Hadrien. « Hadrien ! » « Euh Yoann, lâche-la maintenant. » Sans la moindre surprise pour qui que ce soit, Yoann finit par obtempérer. Courageux, mais pas téméraire. Encore légèrement retenue par la main de son ex-futur agresseur, Madeleine dégagea son bras et le contourna tout en gardant un sur lui. Elle fut surprise de sentir un bras la prendre par la taille et la tirer vers l'extérieur, jusqu'à ce qu'elle comprenne qu'il s'agissait de Hadrien.
« Ca va ? » « Oui, oui, bien sûr que ça va. Tu peux me lâcher tu sais, j'suis pas handicapée. » « Non, juste toute tremblante. Je te ramène. »

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À en juger par sa démarche, elle ne semblait pas hésiter, alors qu'elle se faufilait à travers les rues et ruelles pour s'arrêter devant une large porte en bois. En réalité, elle hésitait vraiment. Ce qu'elle s'apprêtait à faire était très, très culotté. Mais après tout, pourquoi pas. La soirée de la veille s'était bien terminée. Hadrien l'avait déposée devant chez elle, sa soeur était déjà couchée, elle n'avait donc eu aucun problème. Mais depuis qu'elle était debout, elle commençait à cogiter concernant tout ce qui s'était produit la veille. Alors elle s'était habillée à la va-vite, et avait parcouru une bonne partie du quartier pour se rendre à destination.
Elle regarda les noms sur l'interphone, sonna chez les Lucien, se fit passer pour la voisine qui avait oublié ses clefs, et grimpa jusqu'au deuxième, où elle frappa énergiquement à la porte. À voir la tête éberluée de Hadrien lorsqu'il ouvrit la porte, il ne se doutait pas franchement qu'elle viendrait lui rendre visite. Elle ne prêta pas attention au fait qu'il était vêtu d'un simple caleçon, garda son air parfaitement serein qu'elle arborait toujours, et s'exprima avec clarté. « Salut. Pour ton adresse, ne va pas flipper, ç'a été facile de la trouver, j'avais juste à demander à l'une de tes multiples conquêtes. Ne te dérange pas pour le caleçon, va falloir s'y faire. Bien dormi ? Je peux entrer ? » Il resta un long moment silencieux, à la fixer sans trop comprendre, et finit par rire. « Je ne pensais franchement pas que tu reviendrais vers moi aussi vite. Tu as battu le record de toutes les autres. À part ça, bien dormi, tu manquais dans mon lit, mais que veux-tu, on ne peut pas tout avoir dans la vie. Rentre. »
Il lui libéra l'entrée, et elle découvrit avec stupéfaction un appartement particulièrement spacieux et parfaitement rangé. Elle entra et s'aventura à travers un long couloir lumineux, suivie de près par Hadrien. « Je te dérange ? » « Pas plus que ça. Mais je me demande pourquoi t'es venue, en fait. » Ils arrivèrent sur ce qui semblait être la chambre du jeune homme, et elle se laissa tomber sur le lit défait. « Bon. Comment dire. Si je suis ici, c'est pour une raison bien précise. Je sais que cela fait un bon moment que tu me tournes autour - j'ai des yeux pour voir, et des oreilles pour entendre, faut pas croire - et j'avoue que cela me touche de voir que tu ne lâche pas l'affaire tant que tu ne m'auras pas eue. » « Et dire que je m'attendais à un "merci pour hier". Mais ça ça a l'air plus intéressant. » Elle le regarda en silence quelques secondes puis baissa le regard sur les draps qu'elle commença à tripoter machinalement. « Très bien, comme tu sais, j'ai une réputation de… enfin voilà, de lesbienne quoi. Et bien que je ne sois en aucun cas homophobe, c'est pas très agréable, et ça nuit considérablement à ma vie sentimentale. Donc, j'ai pensé, au vu de ton comportement ultra héroïque de hier soir… que nous pourrions feindre une relation. » « Quoi ? » Elle releva la tête vers lui, et constata qu'il ne savait pas s'il devait rire ou pas. « Tu veux pas ? Très bien, tant pis. Je pensais juste qu'en tant que beau gosse universel, ça serait la honte si Madeleine Pons-Escoffier te mettait un râteau, mais c'est pas grave, t'en fais pas. » Elle se leva, prête à partir, mais il la rattrapa. Elle esquissa alors un sourire, et se retourna. « C'est pas ça, mais… Enfin tu sais ce que ça veut dire ? » « Ah oui… tout ça. Je te rassure, il n'aurait aucunement été question de sexe, si tu avais accepté, ni même d'échange de caresses torrides. Juste de porter tes T-shirt et de venir faire mes devoirs chez toi trois fois par semaine pour faire croire… Enfin voilà. Chacun vivrait sa vie de son côté, tu pourrais même te farcir quelques pimbêches. Mais t'es pas chaud, alors on oublie. »
Elle s'engagea dans le couloir, le laissant pantois dans sa chambre désormais vide. Elle avait atteint la porte d'entrée lorsqu'il reprit la parole, élevant la voix pour qu'elle l'entende. « Et si les gens s'en rendent compte, hein ? » « Au moins, on sera deux à se faire montrer du doigt. » Et sur ces mots, elle claqua la porte.