Il est difficile d'admettre qu'on est sur le point de perdre quelqu'un. Il est difficile d'accepter une défaite. Je n'aime pas perdre. Et c'est à cause de mon égo que nous en sommes là, face à face, à se regarder dans les yeux, attendant que je prononce ces quelques mots qui changeront nos vies. Lui ? Mon tout. Mon univers depuis trois ans. Mon envie de changer. Mon double. Quelqu'un pour qui j'aurais tout donner, sans jamais le lui dire pourtant. Si je lui montre que je l'aime, il s'en servira, c'est sur. Alors je préfère qu'il pense que tout cela n'est qu'un jeu. Oui, un jeu stupide. Parce qu'on est cons et qu'on voulait faire comme à la télé pour tromper notre ennuie permanent. « Dis-moi que tu veux plus de moi dans ton lit. Dis-moi que je ne compte pas. Quitte moi, pour de bon, Cap ou pas cap ? » ce jeu stupide, on y a tous jouer. Mais là, j'ai regretté comme jamais. Tout aurait pu bien se passer. On aime les mêmes choses, on aime les mêmes endroits, on déteste les mêmes personnes. C'était une évidence qu'on allait finir par s'accrocher l'un à l'autre. Et pourtant, même si je lui demande de me quitter, il n'est pas mon petit ami. Ce poste est beaucoup trop banal pour lui. J'ai l'impression d'être une enfant. Moi, pourtant si fière, je baisse la tête. J'attends qu'il prononce ce seul mot qui foutra ma vie en l'air. Cap. Il n'a que ça à dire et c'est parti pour l'enfer. Parce que l'enfer, c'est pas lui, c'est les autres. Ceux qui afficheront un faux air triste en vous prenant dans leurs bras. Ceux qui riront de votre échec. Les jaloux. « Jules... fais pas ça. Parce que tu sais très bien que je refuse jamais un pari.  » Je relève les yeux, le toise sévèrement. Mais dit le bordel, dit le qu'on en a plus rien à foutre l'un de l'autre. Dit le que quand tu m'fais l'amour c'est à d'autres que tu penses. Parce que moi, j'oserais jamais te mentir, j'oserais jamais te lancer des saloperies comme ça à la gueule. Alors que toi, oui. Toi, t'es peur de rien. Alors que moi, derrière mes grands airs, j'ai peur de tout. « Cap ou pas cap ? » J'insiste, parce qu'il doit être celui qui prend la décision. Celui qui me quitte lamentablement. Et je serais celle qui n'a pas mal. Celle qui s'en fout, celle qui a lancé ce pari stupide. Il s'avance, m'enlace et j'ai envie de pleurer. Parce que c'est à ce moment là que je comprends. Il va le faire. Me dire qu'il me quitte grace à un seul mot. Il va réduire ma vie à rien du tout, si ce n'est à l'ennuie et au dégout que j'éprouve pour les autres. Il se penche et ses lèvres frôlent les miennes. J'ai le coeur au bords des lèvres, prête à lui vomir dans les mains. Il m'embrasse cette fois, complètement. Je ne réponds pas. Pourtant, j'en crève d'envie. Il sépare nos lèvres, va trouver mon oreille. « Cap. » et il reste là devant moi, à me fixer. J'attrape mes affaires et je m'en vais. J'ai mal et pourtant, j'ignore ce douloureux déchirement. Est-ce que c'est ça, aimer ? Oui, il n'y a pas de doute. Peut être qu'on aurait mieux fait de se le dire en fait. Mais tant pis, ce soir, je vais plutôt fêter son passage de lumière à ombre. Comme la petite fille pourrie gâtée que j'ai toujours été, je rentre chez moi retrouver ma mère et mon père. Je leur adresse quelques mots et part me changer. Rien ne change, au final, je vais continuer à être cette fille que beaucoup détestent. Et je dis adieux à cette bulle de bonheur qui aurait pu nous satisfaire.