« you liked to play with darkness, all the universe could give,
I was the home you once tried to escape, the dark in which you lived »

Il pleuvait. Et au son des gouttes d'eau qui tapaient sur la vitre de sa chambre, un gros orage avait dû avoir lieu pendant qu'il dormait. Il ouvrit les yeux avec difficulté, et jeta un coup d'œil par la fenêtre. Il faisait sombre, et il ne savait pas exactement si l'obscurité était due au temps maussade ou à l'heure. En fait, il n'avait même pas idée de l'heure qu'il était ou de la durée de son sommeil. Il se souvenait juste s'être endormi plus tôt dans l'après-midi, épuisé. La fatigue avait désormais disparu laissant place à un état d'engourdissement. Il se sentait littéralement assommé. La veille, ou l'avant veille il ne se rappelait plus bien, il l'avait trouvé recroquevillée dans son lit. Pensant qu'elle dormait encore, il avait refermé la porte prenant garde de ne pas la réveiller. S'il avait su. Revenant quelques minutes plus tard pour lui annoncer que le dîner était prêt, il remarqua les deux bouteilles d'alcool vides sur la table de nuit, mais surtout une petite boîte d'antidépresseurs. Il était conscient qu'elle buvait énormément -trop- depuis quelques années, il l'avait aidé des dizaines de fois à « guérir » d'une gueule de bois par toute sorte de remède comme on aide ses potes le lendemain d'une soirée trop arrosée. Mais il n'aurait jamais imaginé qu'elle puisse prendre des tranquillisants, et pourtant il connaissait à peu près tout lorsqu'il s'agissait de sa mère. Il s'approcha d'elle, pressentant que cette fois il serait trop tard. Il la secoua doucement, puis plus fortement. Aucune réponse. Il s'interdit de s'alarmer. Sa grande sœur, de deux ans son aînée, était au rez-de-chaussé et s'il se mettait à paniquer, elle paniquerai dix fois plus. Il sortit de la chambre, descendit quelques marches et prit une voix la plus posée possible du haut de sa quinzaine d'années. « Appelle une ambulance. » Malgré ses efforts, sa voix, et sûrement son regard, laissaient paraître la gravité de la situation. Il ne lui fallut pas plus d'une minute pour voir des larmes se former dans les yeux de la jeune brune, ses lèvres tremblant plus que jamais lorsqu'elle parla enfin. « C'est maman ? » Voyant sa sœur dans cet état là rendait la situation... réelle. C'est à ce moment là qu'il sembla perdre tout contrôle sur son calme apparent. « Appelle une ambulance, putain! »

« some things we don't talk about,
better do without and just hold a smile »

L'enterrement. Le transfert de la maison familiale vers différents membres de la famille maternelle. L'obtention de la garde par leur père. Tout s'était déroulé très vite. Trop vite pour lui. Bien sûr, tout cela avait en réalité pris des mois, mais il ne semblait plus maîtriser la chronologie et la temporalité des évènements. Un peu moins d'un an après le décès de sa mère, leur père avait été promu en Irlande, pour une durée indéterminée. Il leur avait présenté la chose comme une opportunité de repartir à zéro, sur de bonnes bases. A chacun des mots de son père, Adriaan lisait une critique sur leur précédente vie, dont la cible principale était bien évidemment leur mère. Un comble pour un homme qui ne s'était jamais immiscer dans l'éducation de ses enfants. Il fallait cependant admettre que la vie à Dublin était plus simple que celle à Paris. Beaucoup trop de souvenirs y demeuraient, et il ne supportait plus le regard perpétuellement compatissant des gens. La capitale irlandaise lui offrait au moins l'opportunité de ne plus avoir à répéter son histoire encore et encore... L'intégration fut d'autant plus facile lorsqu'il fit la rencontre d'une certaine brune. Au fil de leur année commune de lycée, il s'était rapproché de la jeune femme avec une aisance inhabituelle et avaient tous les deux noués une amitié particulière. Lui, d'habitude mystérieux et énigmatique, s'était ouvert à elle. Trop pour que ça n'en reste là. Il y avait quelque chose de plus, de différent dans leur relation. Quoi? Il n'en était pas vraiment certain. C'était cette manière d'être à ce point à l'aise l'un avec l'autre, et paradoxalement cette ambigüité qui planait constamment dans l'air lorsqu'ils étaient dans la même pièce. Quoi que ce soit, ils n'eurent pas le temps de le découvrir qu'il prononça déjà les derniers paroles qu'ils échangèrent. « Je pars. » Ses mots avaient rendus une atmosphère pesante, et surtout un silence. Puis, il lui exposa les raisons. Son père avait été à nouveau promu pour retourner en France. Elle lui avait promis de le rejoindre, et comme pour sceller cet engagement ils s'étaient embrassés. Comme s'il avait fallu un évènement comme celui-ci pour commencer à clarifier leurs sentiments.

« you know that I could use somebody, someone like you,
and all you know, and how you speak »

« Je t'aime. » Cinq années s'étaient écoulés depuis son départ d'Irlande. Et même si les souvenirs de cette période commençaient à s'estomper dans son esprit, il les gardaient toujours dans un coin de sa tête. Il la gardait toujours dans un coin de sa tête. Elle était toujours bien présente même s'il était celui qui avait cessé tout contact, ignorant ses messages, ne retournant pas ses appels. La raison? La lâcheté sûrement, et puis la peur de s'attacher, d'avouer ses possibles sentiments, de faire trop de promesses, trop vite sans savoir si l'on sera capable de les tenir. Il ne voulait pas lui donner de faux espoirs, alors il avait préféré tout arrêter. D'un coup. Ca avait finalement fonctionné. Au bout de quelques mois, les messages et les appels se faisaient de plus en plus rares jusqu'à ce qu'ils deviennent inexistants. Peut-être l'avait-elle oublié? Cette pensée lui provoquait toujours des signaux contraires. D'un côté, satisfait que ses efforts à aient payé. D'un autre, réticent à l'idée qu'elle ait pu passer à autre chose. C'était stupide, il se savait. « Tu m'écoutes quand je te parle? » Il sortit de ses rêveries pour faire face à la jeune blonde qui se trouvait en face de lui. Il laissa échapper un « Hmm » approbatif, suivi d'un hochement de tête. Il leva finalement les yeux vers elle pour croiser son regard. Après avoir passé plusieurs années à enchaîner les aventures d'un soir, ou les fréquentations très courtes, il s'était enfin décidé à tenter quelque chose d'autre de nouveau pour lui. Une réelle relation. Ils assistaient aux mêmes cours de droit, se plaisaient. Le reste s'était fait naturellement. Mais comme dans toutes les histoires, tout n'est jamais tout rose. Récemment, la jeune femme l'accuse de ne pas être assez investi dans leur relation, se plaint de son manque d'attention. Au point qu'il en vienne à regretter ses aventures sans lendemain. Certes, il ressent une réelle affection pour elle, mais n'a jamais été certains de ses sentiments. Lorsqu'elle lui dit qu'elle l'aime, il détourne la conversation pour ne pas avoir à répondre, et il en va de même lorsqu'elle se projette dans l'avenir avec lui.